La question pourrait d'ailleurs être doublement posée :
1) Est-ce par le découpage régional que les économies d'échelle, et notamment le coût de fonctionnement du "millefeuilles", sera diminué ?
2) Et en termes de rationalisation du fonctionnement des régions et de leur aptitude à générer du retour sur investissements, est-ce un découpage ou plutôt la redéfinition des compétences qui doit être prioritaire ? (À noter que mon "plutôt" montre que je réponds à la question en la posant !...)
L'acte 2 (oui, c'est ainsi) de la réforme territoriale me semble mal engagé.
André Vallini est un élu territorial de qualité ; le Président Hollande était président d'un Conseil Général ; Manuel Valls a été maire d'une commune de plus de 50 000 habitants. Ces gens ont une expérience… et pourtant, cette annonce d'un découpage proposé par le Président, que le Premier Ministre semble vouloir justifier, défendue par le Secrétaire d'État à la réforme territoriale (auprès d'une ministre elle-même ancien maire d'une communauté de communes de plus de 60 000 habitants mais avec à gérer un territoire agricole et rural et un territoire littoral avec activité maritime importante) montre plus de fébrilité que de réflexion en profondeur…
Réformer est toujours électoralement risqué.
Il est vrai qu'attaquer la réforme du "millefeuilles" par sa base la plus locale possible (communes, intercommunalités et départements) aura, aurait, un "coût électoral" difficile à accepter, sans parler de la grogne et de la résistance des dizaine de milliers d'élus territoriaux dont pas mal, plus ou moins cumulards, ont en mains les armes du blocage parlementaire… sans distinction de "couleur" politique…
Le gouvernement Ayrault a eu raison de revenir en arrière sur la réforme territoriale envisagée par l'exécutif Sarkozy-Fillon car le "conseiller territorial" siégeant à la fois comme élu "cantonal", avec une vision rapprochée mais probablement limitée de questions à régler, et comme décideur de grandes orientations industrielles ou d'infrastructures ferroviaires… où son territoire électif peut être en parfaite contradiction ou opposition à ces décisions entrant dans un champ déjà européen, n'était pas l'élu polyvalent, économe de fait et en cohérence avec la vision élargie du fait régional. La Région n'est pas une fédération de cantons, ni même d'intercommunalités.
Le projet cantonal est critiquable. D'ailleurs a-t-il encore sa place ?
Mais, depuis 2012, d'autres choix restent, de mon point de vue, hasardeux. Je comprends (mais le conteste) que le Conseil Constitutionnel veuille équilibrer les effectifs démographiques des futurs cantons… dont l'existence à terme n'est toutefois plus garantie…
Sauf que ce qui est parfaitement logique pour les représentants de la Nation au Palais Bourbon, à savoir être "délégués" des citoyens électeurs (masculin et féminin s'entend), ce qui découpe des circonscriptions plus démographiques que géographiquement et économiquement cohérentes), ne peut valoir pour "les territoires". Il y a la géographie physique, il y a la géographie humaine, il y a des solidarités territoriales déjà opérationnelles, il y a les orientations routières et les tropismes de circulation (marchés, centres commerciaux, structures médicales et paramédicales, etc). Tout ce qui préside en fait, ou devrait présider, à la mise en place des intercommunalités, ou présidera à cette mise en place. Les intercommunalités seraient les échelons territoriaux de proximité pour les citoyens, et leurs élus… au suffrage universel les premiers mandataires de la volonté populaire vis-à-vis d'échelons territoriaux situés "au-dessus", départements ? région…
Autre difficulté à gérer si ces cantons doivent réellement aboutir et donner lieu à élection : les binômes constitués. L'idée est belle de cette parité, mais quid du rôle de chacun des deux élus ? Et de la pérennité de connivence de tels attelages ?
Déconcentration des services de l'État et proximité des prises de décision.
Plus haut j'ai posé la question des compétences des Régions. À la suite de ce que je viens d'exposer se pose la question : faut-il d'abord imaginer ce que seront les échelons de proximité : intercommunalités (donc communes) et départements (représentants : des élus cantonaux ou des élus délégués des intercommunalités ?) ?
Y répondre c'est aussi configurer l'attelage (bœufs et charrue) en vue de créer son sillon. C'est-à-dire d'abord pérenniser des compétences précises, par exemple sociales, et savoir comment l'État déconcentre ses services et avec quelles compétences à ce niveau. La définition des compétences de la Région passe obligatoirement par une réponse, fut-elle encore "sur le papier" à cette demande de précision.
Et la déconcentration des services de l'État et la répartition des compétences de ce dernier vers les pôles territoriaux devront tenir compte des axes définis. Par exemple si "le guichet social" reste départemental, ou métropolitain là où la métropole et son intercommunalité recouvre un territoire "départemental" (cas de Lyon et du Rhône par exemple), la "Direction de la protection des populations" devra rester départementale ou métropolitaine. En revanche, la "Direction des territoires (et de la mer s'il y a lieu)" pourra fort bien adopter le niveau régional…
Des économies qui peuvent être coûteuses socialement.
Les économies de moyens touchent donc bien les structures politiques issues du suffrage universel et les structures de l'Administration de l'État. Du plus proche du citoyen jusqu'à la métropole régionale et donc au Conseil régional et au Préfet de Région et son Administration, il y a donc des économies de fonctionnement à réaliser, des bien plus que doublons à supprimer, une réflexion à développer PUBLIQUEMENT (pas seulement à l'abri des bureaux et palais nationaux) sur l'efficacité de la chaîne de décision et d'application. Mais, même avec d'intelligents redéploiements d'agents des diverses administrations et collectivités, l'envisager sous l'angle objectif d'économies mettra des salariés à la retraite et créera du chômage… luxe dont la France n'a nul besoin…
Non seulement il faudrait, il faudra bien un jour, vaincre les réticences, l'inertie ou la résistance active des élus, mais aussi affronter ce dilemme de la suppression d'emplois ou de la réduction de l'emploi. Quitte à… dévisser électoralement.
Des régions : de quelle taille ? combien ? regroupements ou redécoupage ?
Les Régions existent, se sont progressivement emparées de thématiques fortes en termes économiques et ont développé des filières de qualité ou de haute compétitivité: hautes technologies, avionique et spatial, agriculture biologique, tourisme, matériaux nouveaux, numérique, etc…
Tout redécoupage ou tout regroupement ne peut s'envisager qu'après mûre réflexion et si possible concertation avec les collectivités concernées. Cela ne peut pas "tomber" des bureaux parisiens, fussent-ils ceux de conseillers à l'Élysée.
Ce qui vient de se passer ces quarante-huit dernières heures est… aberrant !
D'autant qu'on a médiatiquement et via Internet prêté au président au moins deux scenarii touchant à Poitou-Charentes (Madame Royal a-t-elle été consultée ? Si oui… qu'en pense-t-elle réellement ?)
Bien sûr, une loi fera qu'obligatoirement tout cela passera devant le Parlement (euh… ça promet !). Il n'empêche. Laisser mûrir une réflexion de terrain, entre responsables territoriaux, entre Régions eut tout de même été préférable, quitte à donner un échéancier. J'imagine bien ensuite le Premier Ministre, œil sévère, siffler la fin de partie et dire "maintenant nous allons confronter vos conclusions, vos souhaits, vos schémas de complémentarité… avec nos propres réflexions gouvernementales, celles d'André Vallini, et présenter un projet de Loi au Parlement pour telle date."
D'aucuns voudraient que l'Histoire fut un argument à prendre en compte : laquelle ? Revenir aux Provinces est un non-sens (ce serait aussi revenir sur les acquis de la "révolution française"), une autre forme de complexité administrative, avec des territoires non viables économiquement. L'Histoire "régionale" s'est faite sous la Vème République : c'est là-dessus qu'il faut s'appuyer.
La géomorphologie du territoire national, les infrastructures (l'offre de soins, l'offre aéroportuaire, l'offre de lignes ferroviaires intercités et des TER…), la disposition des grandes agglomérations et des métropoles, le ressenti des populations… autant de paramètres à prendre en compte avant de prétendre "j'ai la carte idéale !" comme semble l'avoir fait l'Élysée (qui plus est…isolant le Nord, tout petit, regroupant un immense territoire au centre-ouest de la France, etc)
De toute façon, même s'il faut aller vite, il est nécessaire de… prendre son temps. Le principal argument motivant la réduction du nombre de Régions n'est pas celui des économies de fonctionnement mais bien celui de la dimension économique, de la compétitivité et des liens avec l'Europe des "nouvelles" Régions envisagées.
S'il faut aller vite, et donc se priver de la réorganisation antérieure ou simultanée du "millefeuilles", il faut au moins imaginer que ce dernier devra être adapté à une nouvelle stratification géo-socio-écon,omique.
Territoires ruraux, intercommunalités et métropoles.
Plus de 36 000 communes c'est, il est vrai, une "administration communale" dépassée. La France n'est plus, sociologiquement et démographiquement parlant "rurale". La paysannerie d'antan et tout l'artisanat et les métiers afférents à l'activité agricole ont quasiment disparu d'une grande partie du territoire, et même la polyculture-élevage des régions à relief difficile ou des bocages encore respectés n'entraîne plus derrière elle toute une partie de l'activité des villages et bourgs des territoires "ruraux".
En milieu rural, il est clair que la péréquation des ressources fiscales par l'intercommunalité a été un moteur sauvegardant un minimum d'écoles et créant des synergies entre communes et entre zones d'activités. Cela suppose que les intercommunalités, les EPIC [les "établissements publics de coopération intercommunale] se constituent auprès ou autour de véritables "locomotives" au plan économique (population, infrastructures, PME-PMI, investisseurs…).
Le projet "sarkozyste" faisait la part trop belle aux métropoles (damner le pion à tant de présidents socialistes de Régions n'était probablement pas étranger à cette vision réformatrice). Le devenir des territoires ruraux était réellement posé : capacité des intercommunalités (et des Parcs naturels régionaux) à aspirer la manne financière, à intéresser les investisseurs, à éviter la désertification administrative et des services ?
Les projets actuels sont plus ouverts, sans pour autant tourner le dos aux métropoles. Mais la viabilité politique et économique des intercommunalités risque tout de même de produire des effets de désertification administrative et sociale ici et là, en fonction de l'éloignement de la "locomotive", de la petite métropole locale, de l'agglomération où se concentreront les administrations et les services techniques et sociaux… Comment faire vivre un territoire rural : services, culture, santé ? Équation à résoudre que la réforme territoriale ne doit pas ignorer.
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on a longtemps collé la Santé au sport, aujourd'hui le mot "Santé" disparaît ainsi que personnes agées et handicap, Affaires Sociales, c'est simple au moins! ça me fait penser à un tableau excel, "masquer" les colonnes, "masquer" les lignes
Écrit par : PARKER | 02/04/2014 | Avertir le modérateur
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