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5 juillet 2015 7 05 /07 /juillet /2015 16:26

Alain Baraton a, en quelques années, évolué dans ses chroniques des matinales week-end de France-Inter, passant de conseils de protection des plantes à l'aide de produits phytopharmaceutiques lorsqu'il lui semblait que c'était la seule solution jouable, à un refus total de l'usage de ce type d'applications allant ainsi dans le sens de l'évolution du sentiment général vis-à-vis des excès d'utilisation de pharmacopées chimiques dans notre environnement.

Ce qu'on ne peut lui reprocher. Mais tout est dans la nuance ou l'absence de nuance.

Il est de fait que bien des moyens existent pour le "particulier" (plantes d'appartements, balcons et terrasses, jardins amateurs…) lui permettant d'échapper au maximum à "la chimie". Encore que… si l'on y réfléchit, les purins (d'orties par exemple) ou les décoctions (de prêles par exemple) et autres "tisanes" (tout comme la réalité non poétique de l'art culinaire) ne sont jamais que des arrangements physico-chimiques.

Physiques ? Oui, par exemple lorsqu'on utilise un produit gras (une huile végétale par exemple) ou fortement tensio-actif (le savon noir par exemple), on joue sur la création d'une couche imperméable à l'air qui est sensée "étouffer" les pontes d'aleurodes, les pontes d'aphides divers, les colonies de cochenilles (une sale engeance qui adore les endroits chauds et… les plantes d'appartements).

Physiques encore lorsque les caractéristiques tensio-actives d'un savon liquide (ou autre détergent non agressif) sont utilisées pour plaquer au mieux sur la surface végétale un produit… soit de "protection" (effet adjuvant de contact pour un fongicide par exemple), soit d'agression. À effet herbicide ou, du moins défanant, comme l'est le vinaigre blanc à 10% qu'on émulsionne avec un peu de savon noir liquide pour pulvériser sur les plantes indésirables du potager, ou d'une allée. La méthode est "naturelle" dans la mesure où du vinaigre blanc (acide acétique) issu de la fermentation acétique d'alcool (lui même naturel et issu de la fermentation alcoolique d'un jus sucré puis concentré par distillation). L'action défanante de l'acide acétique est, quant à elle, obtenue par déshydratation du parenchyme cellulaire végétal.

Pour en revenir aux affirmations d'Alain Baraton, là où la nuance fait défaut, c'est lorsque tout à trac notre jardinier devenu chroniqueur "descend" de façon péremptoire un "produit" de traitement dont, quelques temps auparavant, il pouvait encore vanter les mérites.

Prenez la bouillie bordelaise. C'est en fait un mélange de sulfate de cuivre, minerai purifié dont la solution dans l'eau, le "vitriol bleu" est acide, et de chaux éteinte ou lait de chaux pour en neutraliser l'acidité. En réalité, mais ça n'a que peu d'importance ici, il s'agit de la formation de complexes sulfo-calciques et de cuivre liés à la technologie même de la fabrication industrielle. Au départ : c'était dans un baquet un mélange CuSO4 et Ca(OH)2 dont les propriétés fongicides ont été décrites en 1885 par Millardet suite à des expérimentations réalisées au Château Dauzac en Médoc.

Il se trouve que non issue de la synthèse organique mais extraite de formations géologiques (minerai de cuivre, soufre natif, calcaire cuit au four à chaux), la bouillie bordelaise, fongicide très traditionnel en milieu viticole, est autorisée au cahier des charges de l'Agriculture biologique. Elle fut donc jadis amplement vantée par notre chroniqueur. Alors même que, dans ce blog ou celui qui l'a précédé, j'expliquais que, d'accord, ce complexe minéral n'était pas produit par la pétrochimie, mais qu'utilisé "au seuil du lessivage", elle chargeait le sol de résidus de cuivre et que des études montraient que les vers de terre mais aussi des petits animaux détritiphages formidablement utiles dans les processus de transformation des débris organiques en humus, étaient intoxiqués, tués, détruits par la succession de traitements du vignoble à la bouillie bordelaise… Paradoxe, l'un des paradoxes, de "la bio" écrivais-je alors.

Il se trouve que de tels travaux, répétés, ont conduit les autorités, en France, mais aussi plus globalement en Europe, à "réduire" drastiquement les quantités de cuivre autorisées à l'épandage agricole dans une campagne (saison culturale). Ce qui est vrai pour la bouillie bordelaise l'est aussi pour l'oxychlorure de cuivre, l'hydroxyde de cuivre et l'oxyde cuivreux à usage agricole.

Alain Baraton ayant eu vent de cela déconseille donc impérativement l'usage de la bouillie bordelaise. Ce que l'on ne peut, écrivais-je plus haut, lui reprocher. Loin de là.

Mais le manque de nuance est dans ce qu'il en dit. Ainsi, ce dimanche 5 juillet matin, au lieu d'expliquer les raisons de ce rejet, a-t-il répondu à la demande par courriel d'un auditeur en citant… les phrases de risques et précautions, mentions obligatoires sur l'étiquetage de tout produit chimique, comme par exemple celle-ci " En cas de contact avec les yeux, laver immédiatement et abondamment avec de l'eau et consulter un spécialiste" qui est la phrase S20, commune au plus grand nombre de produits chimiques (à la limite, elle pourrait être apposée sur votre boîte de sel de cuisine ou de table (chlorure de sodium) ; ou encore celle-ci " En cas d'ingestion, consulter immédiatement un médecin et lui montrer l'emballage ou l'étiquette" qui est la S64.

Au passage : si seulement tous les produits chimiques que nous manipulons, solvants, vernis, peintures, détergents, solvants, encres, etc, comportaient ces phrases de risques et conseils rendus obligatoires depuis au moins deux décennies sur les produits antiparasitaires (produits phytosanitaires et produits biocides à usage vétérinaire), ce serait tout de même la moindre des choses.

Bref, ce n'est pas par ce qui caractérise les risques à l'exposition que la bouillie bordelaise est à utiliser le moins possible et en tout cas à éviter "au seuil de lessivage", mais bien par ses effets sur la biologie du sol…

Cela étant dit, je me dois d'apporter une précision en ces temps où sont à la fois véhiculées par les médias les craintes liées à l'extension d'organismes indésirables "invasifs" et les peurs concernant les pratiques "agricoles", entre autres l'usage des pesticides.

Il se trouve qu'hormis les antibiotiques et sulfamides (comprenez qu'on interdise l'usage d'antibiotiques dans la nature, en pulvérisations, alors que les résistances de nombre de microorganismes infectieux développent des résistances à cette formidable famille médicamenteuse), le seul bactéricide réellement identifié et efficace en protection des plantes est le cuivre, sous ses différentes formes, dont la bouillie bordelaise. Deux exemples : le feu bactérien des pommoïdées (pyracantha, cotoneaster, aubépine, poiriers, pommiers, etc) ; la nécrose bactérienne de la vigne ou "maladie d'Oléron". Qu'en serait-il de Xyllela fastidiosa, la peste des oliviers mais bactérie très polyphage si elle se répandait dans l'hexagone ?

Dimanche 5 juillet 2015

Ajout du samedi 11 juillet 2015 :

Je regarde le vaporisateur "bio" "Anti-fourmis au pyrèthre végétal" qu'utilise mon épouse pour tenter (vainement) de limiter les invasions de fourmis (petits formats, aucune démangeaison, mais... là où il y a du sucre, des débris alimentaires, et même de l'eau : elles sont là par milliers...) :

S26 En cas de contact avec les yeux... etc.

S46 En cas d'ingestion... etc.

Ces phrases de risque ne caractérisent pas tel produit par rapport à tel autre...

Au fait, la composition de ce destructeur bio de fourmis comporte "pyréthrines" (on est bien passé par l'industrie chimique ; voir note suivante).

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